Perrine Le Querrec

Coups de ciseaux
Les Carnets du Dessert de Lune, 2007

Oui-Merci n’est plus à la merci de quiconque.
Enfin elle se déshabille, enfin elle écarte les pans de sa moustiquaire, enfin elle pénètre dans sa cellule de voiles blancs. Sortir sans qu’il y ait d’interstice, entrer sans qu’il y ait d’ouverture, elle le peut.
La membrane de la moustiquaire se referme sur elle ; Oui-Merci reconstitue son être secret, Confiance se colle contre elle, accrochées l’une contre l’autre elles dérivent. La peau d’éponge et celle de Oui-Merci se superposent, leur silence s’épouse, les jambes tronquées de Confiance reposent sur celles de Oui-Merci, le cou décapité en biseau lui sert de socle pour sa propre tête fatigué, ses petits bras enserrent avec passion le dos arc bouté, ses doigts menus se baladent sur les boules saillantes de la colonne vertébrale. Une spirale de sommeil entraîne Oui-Merci et sa jumelle de tissu.
« Oui-Merci est polie,
Oui-Merci n’est pas jolie,
Qui veut de la fille pourrie,
Qu’à jamais d’appétit
Qui sera jamais guérie… »
Elle dort et la voix dans ses jambes aussi.

Sculpture de Dorothea Tanning
Dorothea Tanning, Nue couchée (1969-1970) © DACS, 2018