RAINER WERNER FASSBINDER

« Le théâtre, c’est la Terre de Feu, les lagunes du Ciel, la bataille des Rêves. » (Antonin Artaud, Lettre à l’administrateur de la Comédie-Française, 1925)

Je cite Artaud, mais j’ai vu Fassbinder, j’ai vu Fassbinder et Morin, l’un et l’autre, l’un avec l’autre, les uns et les autres. Parce que les acteurs. Cette troupe.
La communication magnétique entre l’esprit de l’auteur et celui du metteur en scène. Cette urgence, cette criance, cet absolu.
Didascalies lues sur scène, c’est une répétition, c’est une représentation, c’est la rage de Fassbinder multipliée par celle du public saisit jusqu’aux nerfs, c’est le texte brûlant traversé, renversé par cette troupe puissante, un à un, tous ensemble.
Ils brisent l’oppression, à grands coups des mots de Fassbinder, la richesse du vocabulaire, des désignations, des situations, nous élèvent, nous attrapent par la gorge, la serrent à en étouffer, nous jettent d’un bout à l’autre du plateau, et eux, les 1, les 2, les tous, prennent leur direction des didascalies qui s’égrènent, comme si Fassbinder était là, à diriger, à proposer, comme si Morin est là, à diriger, à proposer.
Les Blancs, les Rouges, la politique, l’anarchie, l’oppression, les dictatures, les émancipations, la violence, et ils chantent, ils rient, ils nous regardent, ils s’assoient sur nos genoux, ils sont partout, ils se déshabillent, nous déshabillent, le cœur bat à l’ordre, en désordre.
Comme elle est dure à prendre la liberté, à comprendre, à saisir, à occuper, à accepter.
Comme elles sont nombreuses les autorités, quels animaux domestiques nous sommes, et la laisse étrangle un peu plus, et le cuir chauffe la peau ; ils frappent, ils frappent, questionnent, répondent ; notre sang bouillonne, notre cerveau enfin se remet en route, la voie est ouverte.

Antiteatre
d'après Rainer Werner Fassbinder
ANARCHIE EN BAVIÈRE / LIBERTÉ À BRÊME
mise en scène, Gwenaël Morin
Théâtre de la Bastille
jusqu'au 11 octobre 2013