AIRS DE PARIS
Artistes, designers et architectes sont venus inhaler l’air de Paris et témoigner des métamorphoses de la ville.
Airs de Paris se visite le nez au vent, et les yeux parfois happés par quelques œuvres réjouissantes.
Pensée pour marquer les trente ans du Centre Pompidou, l’exposition explore les thèmes de la ville et de la vie en prenant Paris comme point de départ. Et Air de Paris de Duchamp, une ampoule emplie d’air, dernier ready-made de l’artiste.
C’est avec cette pièce que débute la promenade.
En réponse à l’air doublement enfermé de Duchamp (dans l’ampoule, elle-même dans une cage de verre), Michel Blazy déclenche une Pluie d’air. Des gouttes de colle soufflée, suspendues au plafond par des fils transparents, tombent lentement sur nous. La colle s’est noircie au contact de la pollution ambiante, la pluie mute en lente dégénérescence et la féerie de l’installation bascule dans une réalité avec laquelle il faut négocier.
Ce que font tous les artistes présentés ici.
Paris est une aire de création semblable à n’importe quelle autre grande ville. Y travailler, y vivre, nourrit et déclenche des projets et des réalisations qui dépassent le seul contexte local. Si le Pentacycle de Vincent Lamouroux parcourt la ligne abandonnée de l’aérotrain Paris-Orléans, c’est d’abord dans la volonté de faire revivre une entreprise dont l’échec aura été à l’origine de l’oeuvre.
Unpredictable Future de Mircea Cantor, lettres tracées au doigt sur une vitre gelée, voyage au gré des déplacements géographiques et idéologiques.
Un futur dont Tatiana Trouvé poursuit la quête, éternelle Alice tombée dans un puit sans fin, et dont l’espace mental est une nouvelle fois prolongé par une installation : un Polder, cet environnement précaire et déstabilisant, impénétrable à moins de négocier sa propre disparition. L’installation se poursuit par une série de dessins représentant des lieux habités par des personnes disparues.
On peut disparaître de Paris, de la planète même, mais les blessures que nous lui infligeons ne cessent de la déformer.
Thomas Hirschhorn brandit son scotch brun, fabrique des excroissances macabres et aligne 131 globes couverts de cloques sur des étagères tapissées de coupures de presse interchangeables : guerres, crash, incendies, ces virus qui boursouflent les consciences et pourrissent la Terre, cet impitoyable durcissement du monde.
Adouci un temps par la surprenante vidéo de Zoulikha Bouabdellah, une « citoyenne globale », née en Russie, élevée en Algérie, vivant en France. « Le départ a éduqué mon regard ». Sur l’écran, le visage voilé d’une femme. Elle soulève son voile blanc, sa bouche apparaît, et d’entre ses lèvres, lentement, perle à perle, un chapelet noir et humide émerge. Le regard est douloureux, les sourcils froncés, la naissance est délicate. Enfin il jaillit, dans un sourire de délivrance : un Christ crucifié.
Airs de Paris
jusqu'au 15 août 2007 – Centre Pompidou