PABLO PICASSO

AUX SOURCES DE LA SENSATION

Picasso faisait partie des rares artistes que Bacon admirait, dont il reconnaissait l’influence sur son travail. Invitées dans la maison Picasso, au milieu de cette abondance créatrice, les toiles de Bacon apparaissent comme les visions « carnées » des multiples expérimentations de Picasso.
Poser le regard dans l’empreinte visuelle de Bacon, fouiller avec lui les motifs de Picasso, - les questionnements sur le corps, sur les formes, les structures, leurs interprétations oniriques - puis plonger directement dans ses toiles, est un pur ravissement. De ce ravissement qui « saisit », qui empoigne l’âme et vous plante devant une fusion de couleurs et de sensations, une fusion organique.
Sur l’un des murs de l’exposition court cette citation de Bacon : « Il y a là tout un domaine que Picasso a ouvert et qui, en un certain sens, n’a pas été exploré : une forme organique qui se rapporte à l’image humaine mais est en complète distorsion ».
C’est cette pensée de la distorsion qui va conférer une âme et un souffle spécifiques aux toiles de Bacon.
À travers le foisonnement des oeuvres de Picasso, des Baigneuses aux Crucifixions, des Tauromachies aux Têtes, se révèle soudain le travail de Bacon : déformation, transformation, carnation. Quelle étrange impression de reconnaître dans cette violence sténographiée, dans ces images de sensations, dans cet art haptique, un détail - une clé, un motif de papier peint -, une forme, un mouvement de chair et de sang que Picasso avait déjà travaillé cent fois.
Ainsi dans une salle, les Têtes, celles de Picasso, celles de Bacon, forment une sorte de frise tragique. L’œil déconstruit les figures en pénétrant dans la manière cubiste de Picasso. Les traits se rigidifient, se creusent, la géométrie du visage s’élabore puis se fige, quand brusquement explosent les Études et les Autoportraits de Bacon, la vulnérabilité de la chair comme labourée, la violence de la distorsion, l’énergie exprimée de façon si immédiate.
Et comme un cœur à peine dégagé de la poitrine où il était enfermé, palpite au centre du Musée la seconde version des Trois études de figures à la base d’une crucifixion, peinte par Bacon en 1988, des figures blanches et funèbres à la peau lisse et tendue, consumées par le rouge vivant et intense qui les enveloppe.

Bacon - Picasso, la vie des images
Musée Picasso
5, rue de Thorigny
75003 Paris
jusqu'au 30 mai 2005