VINCENT VAN GOGH

Une branche d’acacia le tumulte. Serrée, cadrée, l’oppression proche.
Le regard à l’avancée des autoportraits. De plus en plus vrillé dans notre propre regard.
Quelle est cette nature qui jamais ne repose ? Chaque œuvre, une tempête.
La stabilité psychique absente, le pinceau écrit l’universel déséquilibre. De ces fibres vivantes la puissance rugit. Et pourtant l’homme tient droit sur ce sol mouvementé.
Une pelouse peinte comme une étoffe. Ainsi tu respires tu m’aspires. Disparaître morcelée à tous vents. Un vent qui jamais ne cesse de souffler de briser de tordre d’enchevêtrer.
Sol et ciel
Troncs et hommes
Horizon et verticales
Fleurs et fuites
Que le ciel parvienne parfois à percer est miracle.
Internement de la nature dans le dehors
Là où vous autres vivez tranquillement
L’internement dans la chambre familière, dans l’allée, la cour, les rives
À te regarder le corps s’échappe ma vue coule le long de mon âme
Cet incessant tumulte
Cet incessant bruissement
Ce qui rampe jaillit explose exprime fleurit folie
La semi-liberté soulignée de rouge, de noir
Cerne Enfonce son dard de feu
D’une paire de chaussures tu en retournes une
Geste simple qui dit
Peut-on imaginer plus poignante solitude ?
Car ainsi regardant les deux chaussures posées devant toi d’un pas d’un second tu t’approches regardes, en saisie une, la renverse
Figure blessée
Alors tu commences à peindre
Le crabe aussi est sur le dos
Passer repasser couvrir recouvrir dire redire dans un sens dans l’autre
Chaque surface plane est un feu de joie
Un bûcher qui s’enflamme de ta puissance
Réduit en cendres la stabilité.
Dans ta chambre en morceaux tu apparais
Blouse bleue chapeau de paille le cadre de l’arbre torturé l’autoportrait te fixant en dedans
Ce sol penché où il faut s’amarrer pour avancer
Derrière la fenêtre coule la nature.
Sur la table écorchée où les lauriers roses prolifèrent tu poses « La joie de vivre » de Zola.
Le lisse, non, le lisse n’est pas moins inquiétant. Le lisse comme dernier espoir, une ultime tentative.
Le sol océan qui irrémédiablement emporte.
Dérive.
Les cyprès sont si lourds si pleins si denses
Ces masses en mouvement comment ne s’abattent-elles pas sur les deux femmes déjà mangées par la terre et les futaies ?
La nature organique mâche déglutit s’enfonce ou dérape.
Sur lui-même le paysage
Sur elle-même la raison
Sur soi-même enroulé
De son visage troué Artaud te regarde et dit.
Vos portraits contondants, ces instants contendants sans cesse bravés, traversés.
Il faudra tenir debout oui, nous tiendrons encore debout.

Van Gogh / Artaud. Le suicidé de la société
du 11 mars au 6 juillet 2014
Musée d'Orsay
75007 Paris