L'Apparition
Lunatique, 2016

La vie transformée, le langage aussi.
L’Apparition se répand dans la vallée, enflamme les Alentours.
La parole frappe contre les pierres, l’écho est en route, il dévale les flancs, se propage Au-Delà, les Alentours l’entendent, les Alentours veulent voir. Les citadins s’aventurent dans les hauteurs, s’enhardissent au village. La déroute les mène là. Les affamés d’espérance accourent, on ne compte plus les maisons, on ne compte plus les habitants, on ne dit plus qui est là, les Alentours le village les bêtes, du monde, voilà du monde, la montagne peut en contenir encore, l’Apparition peut en appeler encore, les corps de Petra Piera Pierette peuvent supporter encore. Il est question de prédictions d’avenir de mémoire, de possibles.
Débarquent les taxis les voitures les moteurs. Les temps modernes. Ses bruits ses odeurs ses violences. D’un coup. Vaches, chèvres, volailles sont bousculées. Une moitié de chien saigne dans une ornière, l’autre moitié jamais retrouvée.
(…)
Ils sont convalescents, inlassables espérants. Tous ont accepté l’Apparition et l’impossible ne l’a plus été.

Le chœur des bouches :
- Les voilà ! Les voilà !

Alors s’avancent Petra Piera Pierette protégées par un peloton armé. Elles marchent d’un pas sec et cadencé. Une armée rangée en ordre de bataille. Fauchée par l’extase.

Regarder leur visage est une stupeur
Regarder leur cou est une stupeur
Regarder leur regard est une stupeur
Regarder leur ventre
Regarder l’une puis l’autre puis les trois
La terre sur laquelle elles se cambrent
Le ciel qu’elles touchent
Les montagnes qu’elles franchissent
Tordues-tendues à la perfection
Dans cet enclos, une simultanéité de stupeurs
Elles sont le centre et le regard du monde