Perrine Le Querrec

Vers Valparaiso
Les Carnets du Dessert de Lune, 2020

On dit que tu es sinueuse et secrète je voudrais porter ton nom. On dit que tes flancs à découvert montrent la pauvreté comme la beauté je voudrais porter ton nom. On dit que ton monde grouille de pluriels abandonnés je porte ton nom. On dit ton immensité et ton intime donne-moi ton nom. On murmure excentriques et fugitifs habitent ton échine. On tremble devant les tremblements de ta terre ils ont fissuré les mémoires par où s’échappent d’autres tremblements je m’appelle Valparaiso. Tes secousses les engloutissements les effondrements pourquoi portes-tu mon nom ?
Devenir un nid entre deux de tes pierres. Le rai de lumière à l’arête de la marche. La balle qui dévale vers la mer. La pluie qui rigole dans ton dédale.
Tes escaliers les escaliers d’abord. Se dire on monte on descend remonter est possible. Se dire ils sont parfois larges parfois étroits descendre seule remonter deux, c’est possible. Changer de passion à chaque marche chaque virage le souffle contenu puis répandu. Spectacles des paliers et la rampe où aller à la rencontre de ta main.
Mes rêves s’engouffrent dans tes perspectives sans jamais voir leur fin.
N’en parlez nulle part, n’en parlez pas, je prépare le voyage.

L’OUTIL

Le petit crayon palpite au bord de la page
Le petit crayon au fond de sa poche au creux de sa main
Ce petit crayon qui est son visage ses muscles
Au bout du crayon la mine de mots
Aux muscles du visage au creux de la main
Le sixième doigt le septième sens le premier choix
Grand comme deux phalanges comme un titre comme une balle
La munition sang noir de sa vie
Elle a droit à un crayon dans sa main entre ses doigts l’évasion
La permission du silence
À chaque mot le crayon il s’élève il retombe
À chaque mot la main elle s’élève elle retombe
À chaque mot je m’élève je retombe

collage de Perrine Le Querrec
©plq

L’ORANGE

Tu parles comme si tu épluchais une orange
avec indifférence
Tes mots tombent sans bruit sur la table
oscillent de tes lèvres au bois plane
J’écoute la chute élégante parfumée dans
ta bouche de sucre
Bientôt apparaîtra le cœur de ta parole